La cornée

Qu’est ce que la cornée ?

La cornée est un disque transparent d'environ 11 millimètres de diamètre et de 1/2 millimètre d'épaisseur, situé en avant de l’œil, et que l’on peut comparer à un verre de montre. Elle est constituée essentiellement de plusieurs couches :

  • L’épithélium, le plus en surface et donc au contact de l'air par l'intermédiaire du film lacrymal, occupe 1/10 de toute l'épaisseur de la cornée. Ses cellules ont pour fonction essentielle d’empêcher la pénétration des microbes dans l'œil.
  • Le stroma situé juste en dessous, constitue 90% de l’épaisseur totale de la cornée. Il confère à celle-ci sa résistance. Il est fait de faisceaux de fibres de collagène organisées en réseau très régulier permettant le passage des rayons lumineux sans les dévier.
  • L'endothélium est la couche la plus profonde et est baignée par l'humeur aqueuse. Ses cellules disposées en une seule couche régulent les entrées et sorties de l'humeur aqueuse dans la cornée grâce à un système de pompe intracellulaire et à ses jonctions intercellulaires. Elles assurent ainsi à la cornée une épaisseur constante nécessaire à sa transparence.

 

Traumatismes de la cornée

Les lésions superficielles de la cornée (éraflures), se situant au niveau de l'épithélium, sont très douloureuses mais guérissent vite, au maximum en 48-72 heures, sans séquelle.

Les plaies profondes arrivant jusqu’au stroma laissent par contre une cicatrice opaque (taie, leucome) pouvant compromettre la vision si elle se situe dans l'axe visuel et/ou déforme la cornée de manière irrégulière.

Les brûlures étendues et profondes, en particulier chimiques et par bases, peuvent avoir les mêmes conséquences visuelles graves si un rinçage oculaire abondant n'a pas été pratiqué immédiatement.

La chirurgie de la cataracte représente de loin le traumatisme cornéen le plus fréquent à l'origine d'un trouble de la cornée par œdème. Au cours de celle-ci, la face postérieure de la cornée recouverte par l'endothélium peut souffrir et perdre anormalement ses cellules. C'est le cas en particulier des chirurgies longues et compliquées lorsque la cataracte est très avancée et dure, et aussi quand l'endothélium a une prédisposition anatomique pathologique de fragilité (dystrophie de FUCHS ou  Cornea guttata). Quand la perte cellulaire endothéliale causée par la chirurgie de la cataracte est trop importante, les cellules endothéliales restantes sont incapables de pomper l'œdème et la seule solution pour restituer la vision est la greffe cornéenne.

 

Pathologies médicales

Toutes les couches de la cornée, séparément ou ensemble, peuvent être affectées par des maladies diverses et variées.

Les infections

Les larmes et l'épithélium cornéen constituent la barrière principale contre la pénétration des microbes. Lorsque cette barrière est franchie, les germes provoquent la destruction de la cornée.
La guérison se fait souvent au détriment d'une opacité qui peut altérer la vision. Les causes d'une effraction de la cornée sont les traumatismes accidentels (instrument souillé, végétal,...) ou le port de lentilles de contact mal entretenues ou utilisées de manière impropre.
La sécheresse oculaire est dans ce cas un facteur favorisant. Dans l'eau quelle qu'en soit sa nature (eau de robinet, eau de piscine, de rivière ou de mer), vivent des amibes (Acanthamœba) très virulentes pour la cornée.
Leur existence justifie l'interdiction du port de lentilles de contact sous la douche et lors de toute baignade. Les autres microbes responsables d'infections cornéennes sont les bactéries (staphylocoques, pseudomonas,...) et les champignons. Le traitement repose sur des collyres antimicrobiens adaptés au germe responsable (antibiotiques, antifongiques, antiparasitaires), et dans les formes très sévères une association avec un traitement par voie générale (orale ou intraveineuse) est parfois nécessaire.
Des virus peuvent aussi toucher la cornée. Le plus redoutable est le virus de l'herpès simplex. C'est le même que celui qui donne les boutons de fièvre autour de la bouche. Il a été longtemps la première cause de cécité cornéenne avant l'avènement du très efficace traitement par acyclovir. Les kératites herpétiques n'en restent pas moins redoutables car mal traitées, elles peuvent laisser des opacités cornéennes altérant la vision. Il s'agit d'un virus qu'on contracte le plus souvent avant l'âge adulte, de manière insidieuse et sournoise, sans manifestation clinique évidente. Il se loge ensuite dans des ganglions nerveux sous une forme indétectable de repos et ressort en suivant les nerfs en provoquant alors la maladie, souvent à l'occasion d'un évènement particulier comme une grosse fatigue ou un épisode fébrile grippal.
Un autre virus de la famille Herpès est l'herpes zoster virus, responsable de la varicelle et du zona. Le zona ophtalmique peut se compliquer d'opacités cornéennes (taies) vascularisées et définitives.
L'adénovirus est un autre virus pouvant intéresser la cornée. Il se manifeste au début par une conjonctivite volontiers épidémique car il est très contagieux. Des opacités cornéennes superficielles surviennent dans un second temps et peuvent persister définitivement.
Pour toutes les infections cornéennes, la greffe de cornée est l'ultime recours en cas d'opacité séquellaire ou d'astigmatisme irrégulier entravant la vision.

Les dystrophies de la cornée

Les dystrophies de la cornée sont  des maladies qui touchent les deux yeux souvent de manière symétrique, sont progressives et peuvent être génétiquement transmises.
Certaines, rares,  se caractérisent par des dépôts de matériel anormal dans le tissu cornéen qui forment des opacités altérant la vision (dystrophie maculaire, dystrophie granulaire, dystrophie cristalline,...).
D'autres dystrophies (dystrophie de Cogan), aussi rares, n'intéressent que l'épithélium cornéen qui est anormalement fragile et peut s'effracter spontanément, aboutissant à des érosions récidivantes.  Elles peuvent être très douloureuses, mais ne laissent aucune séquelle visuelle.
Plus fréquente est la dystrophie endothéliale de Fuchs appelée encore cornea guttata. Elle se caractérise par la formation d'excroissances en forme de micro-gouttelettes, à la face postérieure de la cornée juste sous les cellules endothéliales. Celles-ci sont fragilisées et meurent prématurément, spontanément ou à l'occasion d'un traumatisme chirurgical comme celui de l'opération de la cataracte. Au-dessous d'un certain seuil de la densité endothéliale, l'humeur aqueuse dans laquelle baigne la cornée pénètre dans celle-ci sans être pompée en dehors. La cornée s'œdématie alors et perd irrémédiablement sa transparence.
Le kératocône est une dystrophie cornéenne aussi plus fréquente, qui débute le plus souvent dans l'adolescence. Il se manifeste par une déformation progressive et irrégulière, et un amincissement de la cornée qui se traduisent par une myopie et un astigmatisme d'évolution rapide et de moins en moins corrigeable par lunettes ou lentilles de contact. Dans les stades très avancés, une opacité de la cornée peut survenir. L'atteinte bilatérale est souvent asymétrique. Cette dystrophie peut être associée dans certains cas à un terrain allergique atopique (eczéma, asthme, rhume des foins,..), une trisomie, des anomalies du tissu élastique, ou des maladies rétiniennes. Son évolution pourrait être ralentie par un traitement par rayons ultra-violets (cross-linking). En cas d'échec d'une correction optique, une chirurgie par anneaux intra-cornéens ou par greffe de cornée est alors indiquée. La place du laser cornéen n'est pas encore bien définie.

Les autres maladies de la cornée

Les autres atteintes de la cornée sont diverses et très variées :

  • Les dégénérescences : elles correspondent à un vieillissement anormal de la cornée. Leurs causes sont en général inconnues. C'est le cas de la dégénérescence de Salzmann, avec ses nodules périphériques qui n'altèrent que tardivement la vision.
  • Les maladies de surcharge métabolique : certaines maladies générales métaboliques en particulier lipidiques, atteignent la cornée avec dépôts dans celle-ci des substances mal métabolisées. C'est par exemple le cas de la maladie de Fabry.
  • Les kératopathies par altération des cellules souches cornéennes limbiques : l'épithélium cornéen est en perpétuel renouvellement grâce à ses cellules souches situées au limbe, c'est-à-dire à la limite de la cornée et de la conjonctive qui recouvre la sclère (blanc de l'œil). Quelques pathologies sont responsables de la destruction de ces cellules souches limbiques avec pour conséquences une opacification et une néovascularisation de la surface cornéenne. Ce sont toutes les maladies responsables de sécheresse oculaire majeure comme les maladies bulleuses auto-immunes ou non auto-immunes (pemphigoïde, syndrome de Stevens-Johnson-Lyell, ...), ou certaines kérato-conjonctivites atopiques sévères.
  • Les tumeurs bénignes et malignes existent dans la cornée, au niveau de son limbe. Le ptérygion est une forme de tuméfaction bénigne de la conjonctive qui empiète sur la cornée pour la déformer et atteindre parfois son centre.

Dans tous les cas, la perte définitive de la transparence de la cornée ou une déformation anatomique de celle-ci, non corrigeable par correction optique, relèvent d'une greffe tissulaire cornéenne partielle ou totale.